Virus palmipèdes
La réovirose du canard de Barbarie est une maladie virale fréquente en France, dont l’impact économique est significatif, surtout du fait des pertes de croissance et de l’hétérogénéité qu’elle induit.

L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène


L’agent étiologique est un réovirus. C’est un virus à ARN bicaténaire, segmenté et non enveloppé de 80 nm de diamètre, génétiquement et antigéniquement différent des réovirus du poulet (agents de l’arthrite virale du poulet ou du syndrome de malabsorption). Il existe différents sérotypes et pathotypes de réovirus du Barbarie, variables et mal connus.

Le virus est très résistant et peut donc survivre plusieurs mois dans le milieu extérieur et les fientes. Il résiste bien aux désinfectants usuels, notamment aux ammoniums quaternaires, phénols. Il résiste aussi bien à la chaleur : plus de 6h à 56°C.

Après ingestion du virus par voie orale, il se multiplie d’abord dans les cellules de la muqueuse intestinale (diarrhée), puis passe dans la circulation sanguine. Il se localise et se multiplie ensuite dans les tissus cibles : tendons, articulations, organes lymphoïdes, foie, cœur, reins. L’atteinte des articulations provoque des douleurs importantes. Dans les organes lymphoïdes, la multiplication virale est responsable d’une immunodépression intense.

Les données épidémiologiques


La réovirose atteint souvent les canetons de Barbarie à partir de 3 semaines. En général, 2 pics de sensibilité sont mis en évidence: à 15-20 jours après le stress du débecquage, et pendant la période de 30-50 jours d’âge. Cependant, on peut trouver des lésions de réovirose sur des sujets plus jeunes (dès 12 jours d’âge), sans trouble apparent. Des cas sont aussi décrits en fin d’élevage, vers 70 jours.
NB : des cas de réovirose de l’oie ont été (rarement) décrits, avec un tableau clinique très proche de celui observé chez le canard de Barbarie. Le virus a également été isolé dans différentes espèces de canards, comme le canard Colvert, le canard Pékin et quelques races d’ornements.

Seule la transmission horizontale est connue. Elle se fait par ingestion d’aliment ou d’eau contaminés. Les matières virulentes sont les fientes des oiseaux contaminés. On peut aussi considérer comme matières virulentes les poussières véhiculées par le vent, le matériel d’élevage, le personnel, les insectes, et d’une manière générale tout ce qui a été en contact avec les fientes de troupeaux contaminés (rôle du lisier). Généralement, la maladie se déclare dans un parc puis se propage lentement en 2-3 semaines aux autres parcs. La morbidité est très importante, et la mortalité peut atteindre plus de 10%.

La maladie peut être déclenchée à la faveur d’un stress, par exemple suite aux interventions classiques dans cette production : vaccination-débecquage-dégriffage (voir fiche : production du canard de chair).

La prévalence de l’infection semble forte. Des études sérologiques montrent un fort pourcentage de lots séropositifs (70 à 90%). Il existe une grande diversité de réovirus pouvant affecter les canards, mais il semble que chaque site d’élevage a un réovirus spécifique.

Les manifestations cliniques de la maladie


La période d’incubation est de 5 à 7 jours. Les symptômes peuvent durer 2 à 3 semaines, avec une progression de la morbidité dans les bâtiments.

Symptômes
  • Forme aiguë : le symptôme typique est le « ramping », les animaux rampent les pattes en arrière et refusent de se déplacer, suite à des douleurs articulaires, tendineuses et musculaires. Un lot entier peut ainsi rester couché. Des entérites précèdent souvent ces troubles. Les oiseaux se salissent, la consommation d’eau et d’aliment ainsi que le GMQ diminuent. Les animaux deviennent fiévreux. Le « ramping » provoque des chutes de plumes. La mortalité est variable et peut être importante.
  • Forme chronique : les troubles locomoteurs sont inapparents. On note de petits épisodes de mortalité, durant 7 à 10 jours, conséquences de surinfections, et une légère baisse des performances zootechniques du lot.
Lésions

La rate est hypertrophiée, avec des points de nécrose plus ou moins importants et nombreux (granulation blanchâtre dans la pulpe blanche). Ces foyers de nécrose peuvent aussi apparaître sur le foie de couleur vert bronze, ainsi que sur les reins. On rapporte des lésions de péricardite aseptique, résultant d’une infiltration du péricarde par des cellules inflammatoires, associée à une exsudation fibrineuse. A l’autopsie, des pétéchies et des congestions de la gaine synoviale des tendons gastrocnémiens peuvent parfois être observés. L’examen histologique met en évidence des lésions de ténosynovite. Des lésions de néphrite sont visibles et font suite à un manque d’abreuvement chez des canards ne se déplaçant plus.
L’infection entraîne une immunodépression qui explique les lésions associées à des complications bactériennes : péricardite septique, périhépatite et hypertrophie du foie, aérosacculite, pneumonie caséeuse.

Le diagnostic


Suspicion clinique

La clinique permet d’établir le diagnostic de suspicion. La mortalité est le principal facteur d’alerte. La confirmation est fournie par l’histologie et éventuellement par la sérologie.

Diagnostic différentiel

Maladie de Derzsy, Parvovirose du canard de Barbarie

La prévention et le contrôle de la maladie


Traitement

Le traitement est symptomatique, à base de vitamine C pour stimuler le système immunitaire, et d’aspirine pour lutter contre les douleurs articulaires. Du fait de la sous-consommation d’eau, il faut se méfier des sous-posologies médicamenteuses.
Il faut aussi traiter les complications bactériennes, avec une antibiothérapie appuyée sur un antibiogramme. Mais le traitement antibiotique ne doit pas être systématique et ne doit pas intervenir trop tôt dans l’évolution de la maladie.

Prévention

Il n’existe pas de vaccin (souches trop variables sur le plan antigénique).
La prophylaxie est donc uniquement sanitaire : Il faut supprimer le réservoir viral, en vidangeant la fosse à lisier (difficile à réaliser selon le type de caillebotis), en épandant les lisiers loin des bâtiments d’élevage. Il faut lutter contre les vecteurs passifs : insecticides dans les bâtiments, larvicides dans les fosses. Le protocole de nettoyage et désinfection doit être rigoureux (ne pas oublier les caillebotis). Il faut optimiser les conditions de démarrage et éviter ou limiter les stress, surtout lors des interventions zootechniques.

En pratique

La clinique seule permet un diagnostic de suspicion, dont la confirmation repose largement sur l’examen histologique. Pour sa réalisation, les prélèvements nécessaires sont : muscle de la cuisse, tendons, cœur, nerfs sciatiques, foie, rate, encéphale, moelle épinière, à conditionner en fixateur en vue d’analyse histologique (formol tamponné à 10% ou fixateur de Bouin).

Parvovirose Réovirose
Muscle Myopathie dégénérative
Atrophie musculaire
Coeur Myocardite dégénérative Péricardite exsudative
Tendons Ténosynovite exsudative
Nerf sciatique Névrite
SNC Polyencéphalomyélite
Foie Hépatite aiguë Périhépatite exsudative
Hépatite aiguë
Rate Nécrose multifocale Nécrose multifocale
Splénomégalie lymphoïde
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