Virus poulet / dinde
La maladie de Marek est un lymphome d’origine virale, associé à des tumeurs nerveuses ou viscérales. La première description remonte à 1907 en Hongrie, par le Professeur Marek. Cette maladie est véritablement apparue comme une contrainte majeure pour la production avicole mondiale au cours des années 1960, avec l’émergence de variants pathogènes. Depuis, la diffusion de la vaccination a permis la maîtrise relative de cette infection : des accidents, liés souvent à de mauvaises pratiques vaccinales ou des isolats particulièrement pathogènes sont régulièrement observés.

L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène


L’agent de la maladie de Marek est un herpesvirus (Marek Disease Virus : MDV). C’est un « gros » virus enveloppé, dont le génome est un ADN bicaténaire de grande taille. On distingue classiquement 3 sérotypes :

  • Sérotype 1, seul pathogène chez le poulet. Des souches plus ou moins virulentes sont décrites, avec l’émergence de virus « very virulent » : vvMDV, voire vv+MDV…
  • Sérotype 2, non oncogène  (la souche vaccinale SB1 est utilisée aux USA)
  • Sérotype 3, ou herpesvirus du dindon (HVT : Herpesvirus of Turkey) : non-oncogène, utilisé en tant que vaccin hétérologue contre le sérotype 1.

La taxonomie de ces virus a été actualisée :

  • Le virus de la maladie de Marek (sérotype 1) est dénommé gallidherpesvirus 2
  • Le sérotype 2 est nommé gallidherpesvirus 3
  • L’herpesvirus du dindon est nommé meleagridherpesvirus 1
Le virus Marek peut prendre 2 formes :
  • Forme intégrée dans le génome cellulaire de l’hôte : associé au processus tumoral, cette forme est non–infectieuse.
  • Forme libre au niveau de la couche sous-épidermique en voie de desquamation du follicule plumeux. C’est la forme contaminante, relarguée dans le milieu extérieur.

Le processus pathogénique de la Maladie de Marek peut donc se résumer comme suit :

  • La contamination d’un poulet naïf se fait essentiellement par respiration de squames infectieuses, avec réplication dans les macrophages pulmonaires.
  • Diffusion dans les tissus lymphoïdes (Bourse de Fabricius, thymus, rate), puis virémie qui peut aboutir à 2 types d’infection :
    • Infection lytique dans l’épithélium de Malpighi des follicules plumeux (squames contaminants) : ce processus explique la diffusion générale du virus dans l’environnement (importance épidémiologique)
    • Infection « productive restrictive » (l’infection est strictement associées aux cellules) des lymphocytes T : transformation et développement de tumeurs : c’est ce dernier processus qui est à l’origine des manifestations cliniques (importance clinique).

Le développement de ces tumeurs est lent, ce qui explique que la maladie de Marek concerne surtout les animaux à vie économique longue (poulet label, poules pondeuses et reproductrices). Le poulet est l’espèce sensible, la dinde peut être atteinte (notamment les dindes fermières de Noël à vie économique particulièrement longue). Il faut noter que l’infection est universelle, même après des décennies de vaccination. Certaines souches de poulets présentent une résistance génétique plus forte ; il semble que les haplotypes du CMH1 jouent un rôle dans cette résistance (haplotype B21B21 notamment).
La transmission du virus se fait uniquement par voie horizontale (squames), directe et indirecte, essentiellement par voie respiratoire. Le virus protégé dans les cellules desquamées présente une grande résistance dans le milieu extérieur. (Plusieurs mois à une température de 20-25°C, plusieurs années à 4°C).

Les manifestations cliniques de la maladie


Les signes cliniques de la MM apparaissent généralement vers l’âge d’environ 3 semaines et le pic de l’infection survient entre 2 et 7 mois.

Symptômes

Les oiseaux peuvent être atteints d’une infiltration lymphoïde asymétrique des nerfs périphériques conduisant à une paralysie partielle et/ou à une dilatation du jabot due à la paralysie du nerf vague. Le GaHV-2 peut aussi infecter le cerveau ce qui entraîne une paralysie transitoire ou une maladie neurologique persistante. La cécité est associée à une infiltration lymphoïde de l’iris. Les oiseaux atteints de tumeurs viscérales peuvent apparaître déprimés et sont souvent cachectiques avant leur mort.
La forme cutanée (qui fut dénommée « leucose cutanée ») est localisée aux follicules plumeux. Des lésions nodulaires peuvent impliquer quelques follicules dispersés ou elles peuvent devenir coalescentes, et on note souvent une rougeur de la peau.

Lésions

Les lymphomes peuvent concerner une grande diversité de tissus :

  • Lésions nerveuses : plexus brachial, lombo-sacré, nerf sciatique
  • Lésions tumorales au niveau du foie, de l’ovaire, du testicule, de la rate, du cœur, des muscles
  • Lésions cutanées : follicules pileux hypertrophiés

A l’histologie, on note une infiltration à cellules mononuclées diffuse ou focale.

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Poulet présentant des troubles locomoteurs caractéristiques (« grand écart ») (ENVT)
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Lésions d’hypertrophie latéralisée du nerf sciatique (Labovet, Réseau Cristal)

Le diagnostic


Les principales méthodes de diagnostic de la maladie reposent sur :

  • la mise en évidence des infiltrats lymphomateux par histopathologie
  • la détection d’ADN (PCR) ou d’antigènes viraux (immunohistochimie)
  • la PCR quantitative en temps réel permet de discriminer les souches sauvages des souches vaccinales Rispens ou HVT et de détecter notamment le virus dans les follicules plumeux

NB : la détection d’anticorps n’est pas opérante car la présence des anticorps n’est aucunement liée à la maladie, l’infection par des virus non pathogènes étant très fréquente. L’isolement du virus par culture cellulaire reste du domaine de la recherche.

Le diagnostic est d’abord fondé sur l’analyse anatomo-pathologique, en particulier microscopique :

  • Si infiltration nerveuse + /  viscères + : MAREK
  • Si infiltration nerveuse + / viscères – : MAREK
  • Si infiltration nerveuse –  / viscères + : (MAREK)
  • Si infiltration nerveuse – / viscères – : PAS MAREK
Diagnostic différentiel

Doit être fait d’avec les leucoses aviaires (rétroviroses), qui sont d’une manière générale bien plus rares. Les clefs de ce diagnostic sont résumées ci-dessous :

Maladie de Marek (herpesvirus) Leucose (rétrovirus)
Age d’atteinte Après 6 semaines Rare avant 14 semaines
Souvent vers 30 semaines
Morbidité + de 5% – de 5%
Symptômes Paralysie fréquente Non spécifique
Tumeurs nerfs +++ Non
Tumeurs gonades +++ Rare
Tumeurs œil + Non
Tumeurs peau + Non
Tumeurs foie, rate, reins + +++
Tumeurs bourse de Fabricius Rare +++

La prévention et le contrôle de la maladie


Le respect des principes de biosécurité doit être rappelé, mais la présence universelle du virus rend la vaccination incontournable chez les animaux à vie économique longue. L’hygiène permet en tout cas de limiter les contaminations précoces, avant la protection post-vaccinale.

La vaccination est effectuée sur le poussin de 1 jour, voire in ovo.
Il ne sert à rien de vacciner des animaux plus âgés !

En France, 3 types de vaccins sont utilisés :

  • Lyophilisé HVT sérotype 3
  • Congelé HVT sérotype 3
  • Congelé souche atténuée sérotype 1 (Rispens) La souche Rispens (ou CVI-988) est largement utilisée en France.

Attention : La vaccination Marek ne protège pas contre l’infection mais uniquement contre le développement de tumeurs.
Elle n’empêche pas l’infection, donc la dissémination du virus sauvage chez les animaux vaccinés, même après des années de vaccination systématique dans un élevage.

Les pratiques vaccinales doivent être respectées :

En cas d’utilisation de vaccin congelé : le délai de décongélation -reprise dans le diluant- administration du vaccin est crucial : le titre viral décroît très rapidement, d’où la nécessité d’administrer le vaccin dès la dilution.
Qualité de l’injection : vérifier le réglage et la maintenance des machines à vacciner, et surtout le respect de bonnes pratiques par le personnel d’un un acte répétitif (2000 à 3000 poussins/heure).

NB : la vaccination in ovo, réalisée à 18 jours (transfert de l’incubateur vers l’éclosoir) à l’aide d’un automate, se diffuse dans les couvoirs : elle permet de vacciner de 30 à 50 000 oeufs/heure.

En pratique : Comment expliquer un échec de vaccination ? (cas de Marek sur des poulets vaccinés à 1 jour)


  • Qualité de la vaccination ?
    • Quel est le type de vaccin utilisé : lyophilisé ou congelé
    • Conservation / préparation du vaccin : délai décongélation-dilution-utilisation
    • Technique d’injection (colorant vital) : identifier les dérives des pratiques vaccinales
  • Hygiène au couvoir + démarrage ?
    • Course de vitesse vaccin / virus Marek sauvage !!
      ⇒ Hygiène au démarrage pour limiter la pression d’infection
  • Infection par des variants hypervirulents ?
    • Si : Mortalité 30% sur poulets vaccinés HVT
    • Et/ou : Mortalité précoce (< 3 semaines) sur poulets non vaccinés
      ⇒ Souches dites « vvMDV / vv+MDV »
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