Les leucoses aviaires sont un groupe de maladies tumorales du poulet, connu depuis longtemps. Il cause une variété de lésions tumorales, malignes ou bénignes. L’impact est surtout économique, avec des pertes dues à des baisses de gain de poids ou de production d’œufs. La leucose lymphoïde est la forme la plus observée sur le terrain, même si la myéloblastose est observée de plus en plus fréquemment.
L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène
L’agent étiologique est un rétrovirus de la famille des Retroviridae. C’est un virus fragile qui ne résiste pas longtemps dans le milieu extérieur. Il est constitué d’un nucléoïde central dense (2 molécules d’ARN associées à des protéines), une capside virale de 35-45 nm de diamètre entourée d’une membrane interne et d’une enveloppe externe. Cette organisation est typique du sérogroupe C des rétrovirus. La taille globale de la particule virale est de 80 à 120 nm de diamètre. Une transcriptase inverse virale permet la traduction de l’ARN viral en ADN proviral qui s’intègre dans le génome de la cellule hôte.
Les rétrovirus mutent facilement. Des variants apparaissent fréquemment. Certains ont des gènes absents et dépendent d’autres virus pour leur réplication, ce qui facilite les échanges de génome entre les virus.
On peut déterminer 2 grands groupes de rétrovirus leucosiques :
- Les virus à oncogénèse aiguë, qui causent des leucémies ou des tumeurs solides ; ils ont un oncogène et sont génétiquement défectifs, ils nécessitent un autre virus pour leur réplication.
- Les virus à oncogénèse lente, qui ne transportent pas d’oncogènes et induisent la transformation virale en activant un oncogène cellulaire en s’introduisant dans le génome de l’hôte.
Il existe six sérogroupes (A, B, C, D, E, J). Le plus fréquent est le A, qui cause la leucose lymphoïde en général. Le virus peut se multiplier dans toutes les cellules, sauf les gamètes et les neurones. Le rétrovirus va entraîner la transformation d’une lignée cellulaire sanguine ou la multiplication anarchique de cellules souches de la lignée hématolymphopoïétique. Selon la lignée principalement affectée, on aura différentes maladies :
- Lignée lymphoïde ⇒ leucose lymphoïde
- Lignée érythroblastique ⇒ érythroblastose
- Lignée myéloïde ⇒ myéloblastose
- Autres lignées (myélocytomatose, …)
Le phénomène néoplasique majoritaire dépend de la dose infectante de virus présente. En plus de ce phénomène néoplasique principal, une souche virale affecte souvent d’autres types cellulaires.
Les leucoses érythroïde, myéloïde, la myélocytomatose, et d’autres types de tumeurs sont des leucoses à développement rapide, provoquées par des souches virales comportant des oncogènes.
La leucose lymphoïde est une leucose à développement lent, le virus en cause n’a pas d’oncogènes.
Enfin, l’infection par un rétrovirus peut provoquer des formes non tumorales.
Il y a 2 formes de virus leucosiques. Il existe des rétrovirus exogènes, transmis par des particules virales d’un animal à un autre (situation la plus courante), et des rétrovirus endogènes, inclus de façon permanente dans le génome de l’animal et ne formant pas de particules virales. Les virus endogènes ne sont pas ou peu oncogènes, mais peuvent influencer la réponse de l’hôte aux virus exogènes.
A la suite d’une infection, les oiseaux développent une immunité humorale, avec production d’anticorps neutralisants permettant de limiter la multiplication virale, mais sans influence directe sur la croissance tumorale. Il n’y a pas de protection croisée entre les sérogroupes. Des réactions immunitaires à médiation cellulaire sont aussi mises en jeu, qui ont une action à la fois sur le virus et les phénomènes néoplasiques.
Certains oiseaux développent des résistances aux leucoses. On distingue 2 niveaux de résistance : la résistance aux virus et la résistance aux tumeurs. La résistance aux virus est un phénotype à transmission mendélienne bien caractérisé, mais les mécanismes de transmission de la résistance à l’infection sont encore mal connus.
Les données épidémiologiques
La leucose concerne principalement le poulet, mais le faisan, la perdrix et la caille peuvent être infectés.
La leucose lymphoïde se rencontre rarement avant 14 semaines d’âge car la période d’incubation est longue : un oiseau contaminé entre 1 et 14 jours d’âge risque de présenter une leucose lymphoïde entre 14 et 30 semaines d’âge, avec une incidence accrue lors de l’arrivée à maturité sexuelle.
L’érythroblastose se rencontre vers 3-6 mois d’âge.
La myéloblastose affecte les adultes, sauf à haute dose où de la mortalité peut être observée 10 jours post-infection chez le poussin. Elle est rare.
La myélocytomatose se rencontre principalement chez les oiseaux immatures, mais sa période d’incubation est très variable selon les souches.
La prévalence de l’infection est rare actuellement.
Dans un troupeau infecté, tous les oiseaux sont exposés au virus à la maturité sexuelle ; mais le développement de tumeurs est peu fréquent. L’immunosuppression provoquée par d’autres maladies peut augmenter la gravité d’une infection par le rétrovirus.
La transmission peut être horizontale, par la salive et les fèces ; elle doit être directe car le virus est vite inactivé en milieu extérieur. Cette transmission est peu efficace sauf pendant la période néonatale.
La transmission verticale est possible, congénitale par infection de l’embryon pendant son passage dans l’utérus et le vagin, ou génétique par inclusion du virus dans les gamètes (cas des rétrovirus endogènes).
La transmission congénitale assure le maintien de l’infection d’une génération à l’autre ; les oiseaux infectés par cette voie constituent un réservoir, à partir duquel la contamination peut se faire par contact direct. La transmission horizontale est nécessaire pour éviter l’extinction de l’infection.
Les oiseaux peuvent être virémiques (V+) ou non (V-), séropositifs (S+) ou non (S-). Les V+ et S+ sont souvent des oiseaux de plus de 2 semaines qui peuvent transmettre l’infection. Les V+ S- sont des oiseaux infectés congénitalement ou néonatalement (moins de 2 semaines) devenus immunotolérants ; ils sont les plus dangereux car ils excrètent le plus. Les V- S+ sont des adultes, souvent infectés par contact direct, dont les anticorps contrôlent l’infection ; ils peuvent parfois transmettre l’infection verticalement. Les V- S- ne sont jamais entrés en contact avec le virus ou sont résistants génétiquement.
Les manifestations cliniques de la maladie
Symptômes
Ils sont très variables et peu spécifiques. On peut observer un mauvais GMQ, un retard de la maturité sexuelle, une mauvaise production d’œufs, de l’anémie, des malformations des pattes. C’est une maladie cachectisante. La mortalité est souvent faible.
Lésions
- Formes non néoplasiques : immunosuppression, hépatite, dépérissement, myocardite, hypothyroïdisme.
- Leucose lymphoïde : masses nodulaires blanchâtres généralement, surtout dans le foie, la rate, les reins et la bourse de Fabricius. Crête pâle, voire cyanotique. Les tumeurs sont constituées d’agrégats de lymphocytes B.
- Erythroblastose : viscères rouge cerise, hypertrophiés, friables, moëlle osseuse friable, anémie, défaut de coagulation, leucémie.
- Myéloblastose :foie, rate et reins hypertrophiés, granulaires, gris, parfois leucémie sévère, anémie, thrombocytopénie.
- Myélocytomatose : masses blanchâtres à la surface des os (jonction costo-chondrale, sternum, pelvis, tête), hypertrophie des viscères.
On rencontre parfois des tumeurs solides : néphroblastome, hémangiomes. - Ostéopétrose : cela affecte les os longs de façon symétrique, surtout les tibiotarses et tarsométatarses, et provoque leur élargissement par déposition anormale d’os dans le cortex ; cela peut aller jusqu’à une disparition complète de la cavité médullaire.
Le diagnostic
Les lésions d’autopsie sont assez évocatrices
Diagnostic de laboratoire
L’histologie permet l’identification du type de tumeurs. Dans le cas de la leucose lymphoïde, l’analyse des lésions montre qu’elles sont composées de foyers de grandes cellules lymphoïdes qui prolifèrent, des lymphoblastes immatures.
La virologie et la sérologie peuvent aussi être utilisées.
Diagnostic différentiel
Maladie de Marek, tuberculose, coligranulomatose
La prévention et le contrôle de la maladie
Aucun traitement ne peut limiter le développement des tumeurs.
La prévention consiste à réaliser des suivis sérologiques afin de créer et maintenir des troupeaux exempts. La prévalence des sérogroupes A, B et J dans les troupeaux reproducteurs, a ainsi été réduite drastiquement voire éliminée.
Des travaux sont aussi menés pour établir des lignées de poulets naturellement résistants.