L’herpèsvirose du canard est une maladie aiguë et contagieuse des palmipèdes, décrite depuis 1923 et longtemps confondue avec l’influenza aviaire hautement pathogène. Même si les foyers sont peu fréquents, c’est une menace permanente pour les canards d’élevage et d’ornement ainsi que pour l’avifaune.
L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène
L’agent étiologique est l’Anatid herpesvirus 1, un herpèsvirus de la sous-famille des Alphaherpesvirinae. Son génome est constitué d’un double brin d’ADN linéaire, d’environ 158 kpb.
Il existe des souches de virulence variable, mais toutes appartiennent au même sérotype.
Des particules virales s’observent dans le cytoplasme, dans des vacuoles cytoplasmiques et dans le noyau.
Le virus est modérément résistant. Il est sensible à l’éther et au chloroforme, détruit par la chaleur (10 min à 56°C, 1 mois à 22°C), inactivé à des pH inférieurs à 3 et supérieurs à 11. Les désinfectants usuels sont efficaces.
Chez un hôte sensible, le virus se réplique dans la muqueuse du tractus digestif (en particulier dans l’œsophage) ; puis on le retrouve dans la bourse de Fabricius, le thymus, et enfin la rate et le foie. Les principaux sites de réplication sont les cellules épithéliales et les macrophages.
Le virus est capable de devenir latent et indétectable dans l’organisme ; suite à un stress, le virus se réactive et l’infection peut se propager.
Les souches moins virulentes sont responsables d’un effet immunosuppresseur.
Les données épidémiologiques
La peste du canard est décrite dans de nombreux pays. Chez les palmipèdes domestiques, elle a une allure épizootique, avec quelques cas par an en France. Le statut des palmipèdes sauvages est difficile à connaître, il semble que la maladie soit à l’état enzootique en France.
La saisonnalité est discutée, mais il semble que les cas cliniques soient plus fréquents au printemps, pendant les périodes de reproduction ou de passage des palmipèdes sauvages.
Seuls les Anatidés, ordre des Ansériformes sont sensibles (canards, oies et cygnes). La sensibilité est variable selon l’hôte : le canard de Barbarie semble avoir une sensibilité plus forte ; à l’opposé, les canards sauvages (genre Anas) semblent moins sujets à l’expression clinique, et ont le profil de réservoir viral.
La contamination est directe par contact avec un oiseau infecté, ou indirecte à partir de l’environnement contaminé. (L’eau contaminée joue un rôle prépondérant) La transmission verticale est discutée, mais semble possible. Un animal infecté excrète le virus dans les sécrétions nasales et les fèces, de façon intermittente et pendant plusieurs années.
Les épisodes chez les canards domestiques sont souvent liés à la proximité d’un plan d’eau où logent des canards sauvages et à des contacts palmipèdes d’élevage-palmipèdes sauvages. L’avifaune est en effet suspectée de constituer un réservoir du virus et de contaminer les élevages.
Les manifestations cliniques de la maladie
L’incubation est courte (3 à 7 jours). Elle varie en fonction de l’âge des oiseaux, de la voie de contamination et de la virulence du virus.
Symptômes
La 1ère manifestation est une mortalité importante, rapide et persistante dans le lot. Les animaux sont prostrés, avec les ailes tombantes. Ils ont des difficultés de déplacement avec des tremblements. On rencontre aussi de la photophobie, de l’anorexie, de l’ataxie, des plumes hérissées, du jetage nasal, des yeux humides, une diarrhée profuse verdâtre pouvant être hémorragique. Les animaux ont une soif intense et l’on trouve souvent des morts sous les abreuvoirs.
Chez les reproducteurs, on a une chute de ponte et un prolapsus du pénis.
La mortalité varie de 5 à 10%
Lésions
Il s’agit de lésions vasculaires, de lésions des organes lymphoïdes et de séquelles dégénératives des organes parenchymateux.
- La carcasse est congestionnée.
- On a des pétéchies ou des ecchymoses sur de nombreux organes (cœur, foie, cavité orale et tractus digestif).
- On retrouve des ulcères ou des érosions de la muqueuse dans la cavité buccale, le proventricule, le gésier, une membrane diphtéroïde pouvant recouvrir la muqueuse.
- Chez les femelles reproductrices, les follicules ovariens sont hémorragiques.
- Les organes lymphoïdes sont lésionnels. La rate peut être hémorragique, nécrotique. Le thymus présente des pétéchies. La bourse peut être hémorragique, nécrotique.
- Des anneaux rouges hémorragiques, visibles de l’extérieur, apparaissent sur l’intestin et à la jonction œsophage-proventricule. Ils peuvent être ulcérés et nécrotiques et correspondent à des lésions touchant les tissus lymphoïdes associés à l’intestin.
Le diagnostic
Diagnostic épidémio-clinique
Forte mortalité subite, lésions hémorragiques, anneaux lymphoïdes dans le digestif, présence de palmipèdes sauvage, printemps.
Diagnostic de laboratoire
Histologie : les principales lésions histologiques sont une entérite fibrino-nécrotique localisée et sévère avec des inclusions rarissimes, des ulcérations de la muqueuse œsophagienne avec des inclusions rares dans les noyaux des cellules épithéliales des glandes œsophagiennes, et une hépatite nécrosante multifocale avec de rares inclusions dans les hépatocytes.
Isolement et identification de l’agent : la méthode historique est l’inoculation de canetons de 1 jour ou de la membrane chorio-allantoïdienne d’œufs embryonnés. Le virus peut aussi être isolé sur des fibroblastes. Le virus est identifié par mise en évidence d’inclusions intranucléaires éosinophiliques, par immunofluorescence directe, ou par séroneutralisation.
PCR : elle permet une détection rapide (2-3 jours), sensible et spécifique. Elle présente aussi un intérêt épidémiologique. Elle est disponible en routine en France.
Sérologie : immunofluorescence, neutralisation, isolement sur plaque, hémagglutination passive, ELISA. Il s’agit de mettre en évidence une séroconversion des oiseaux contre le virus.
Diagnostic différentiel
Hépatite virale du caneton, pasteurellose, entérite nécrotique, infections à E. coli, rouget, coccidiose, intoxications.
La prévention et le contrôle de la maladie
Il n’existe pas de traitement médical. Des traitements peuvent être administrés contre les infections opportunistes.
Contrôle sanitaire
En milieu sain, il s’agit d’empêcher l’introduction du virus. Il faut se méfier du contact avec l’avifaune.
En milieu contaminé, il est recommandé de sacrifier tous les animaux survivants. Il faut réaliser ensuite un protocole rigoureux de nettoyage et désinfection.
Vaccination
Elle est utilisée en préventif mais aussi pendant un épisode de peste. Le vaccin atténué (Vaxiduck®, Boehringer Ingelheim) s’administre par voie sous-cutanée ou intramusculaire sur des animaux de plus de 2 semaines. Son efficacité semble limitée.