L’entérite nécrotique est une maladie bactérienne digestive fréquente en élevage de poulets et de dindes. Si l’étiopathogénie de l’agent est bien connue, les facteurs déclenchants sont encore discutés. La résurgence de cette maladie a cependant coïncidé avec des changements dans l’alimentation des volailles. Outre des conséquences cliniques (mortalité), la maladie a aussi des conséquences économiques importantes : surcoût médicamenteux, sous-performance zootechniques, augmentation des saisies en abattoir.
L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène
- L’agent responsable de cette maladie est Clostridium perfringens (de type A ou C). Il s’agit d’une bactérie commune, que l’on retrouve souvent dans l’environnement dans les matières en putréfaction, qui est aussi hôte normal du tube digestif. C’est un bacille Gram positif sporulé anaérobie strict.
- C. perfringens de type A produit la toxine alpha, et certaines souches produisent aussi une entérotoxine synthétisée lors de la sporulation. La virulence de ces souches A est variable.
- Outre l’entérite nécrotique, C.perfringens peut être responsable entre autres d’érosions du gésier et de dermatites gangréneuses chez les oiseaux.
- Dans de bonnes conditions, la population de cette bactérie croît rapidement, elle double en 3-5 minutes. Cela explique la soudaineté des infections à Clostridium et la nécessité de réagir vite.
- La spore résiste à la chaleur (100-120°C), à l’oxygène, à la sécheresse, donc elle résiste bien en milieu extérieur.
Les données épidémiologiques
L’entérite nécrotique touche principalement les poulets et les dindes de chair, entre 2 et 5 semaines d’âge. Les poulets labels et les poulettes peuvent également être malades.
Le germe pénètre chez la volaille par la voie orale. Il est véhiculé par la litière souillée, les déjections animales, l’aliment. Il n’y a pas de transmission par contact direct. Des transmissions vectorisées (mouches) ou encore verticales sont également soupçonnées.
Les clostridies restent dans le courant du contenu digestif, elles ne se fixent pas sur les parois digestives. Généralement, l’ingestion ne provoque rien. Pour qu’il y ait maladie, plusieurs facteurs de risque doivent intervenir simultanément, et la concentration de bactéries doit être très élevée pour entraîner des lésions (1 million bactéries par g de contenu digestif). La maladie est liée à la production de toxines responsables de la nécrose de la paroi intestinale et de la mortalité.
A noter que certains types d’alimentations semblent favoriser le développement des clostridies : les aliments à base de blé ou d’orge ou de sucres et protéines rapidement disponibles pour l’intestin grêle. Par exemple, la prévalence d’entérite nécrotique est 6 à 10 fois plus élevée chez des troupeaux nourris avec un aliment à base de blé/orge par rapport à des troupeaux alimenté principalement avec du maïs.
Le risque zoonotique sous forme de TIAC ne doit pas être négligé. Il est lié aux entérotoxines produites lors de la sporulation. Ainsi, des aliments à base de volaille peuvent entraîner une maladie chez l’homme (diarrhée pour le type A, entérite nécrotique pour le type C).
Il existe aussi une forme subclinique de la maladie, provoquée par une dysbactériose. La dysbactériose se définit par la présence d’une flore de l’intestin grêle anormale quantitativement et qualitativement. Ce déséquilibre de la flore digestive permet l’implantation de C. perfringens.
C. perfringens joue un rôle dans la dysbactériose mais ce n’est pas le seul facteur déterminant et elle n’est pas tout le temps impliquée. Cette forme est sous-diagnostiquée et s’observe surtout chez des poulets de chair de 21 jours.
Les manifestations cliniques de la maladie
- L’entérite nécrotique est une maladie aiguë, à évolution très rapide. 24h avant, il est possible d’observer une augmentation de la consommation d’eau. Puis, les signes sont de la prostration avec les plumes ébouriffées, de l’anorexie, parfois de la diarrhée. Les sujets atteints sont souvent bien conformés. La mortalité peut atteindre rapidement 1-2% par jour (avec jusqu’à 50% de mortalité cumulée).
- Les cadavres putréfient rapidement, surtout l’intestin. Le contenu de l’intestin grêle est dilaté par les gaz et prend un aspect « en mie de pain ». Les lésions sont surtout localisées au niveau du jéjunum et de l’iléon. Cela débute par un épaississement et une opacité de la paroi, avec formation d’un exsudat fibrinonécrotique. L’intestin devient dilaté par un contenu verdâtre liquide et nauséabond. La paroi intestinale est friable. On peut également observer des pétéchies.
- Le foie peut parfois présenter de la décoloration et des foyers de nécrose.
- L’entérite nécrotique entraîne aussi des sous-performances zootechniques et une augmentation des saisies à l’abattoir.
- Forme subclinique : pas de signes particuliers hormis une diarrhée. Le ratio eau consommée/aliment ingéré et l’IC sont augmentés. C’est à l’origine de mauvaises performances zootechniques. Les villosités digestives sont légèrement abrasées.
Le diagnostic
Diagnostic épidémio-clinique
Maladie d’évolution aiguë avec prostration, arrêt de la consommation, mortalité, précédé d’une augmentation de la consommation d’eau, lésion « en mie de pain », putréfaction rapide, traitements antibiotiques répétés, site contaminé.
Diagnostic différentiel
Coccidioses
Diagnostic bactériologique
Avec antibiogramme
La prévention et le contrôle de la maladie
Traitement
Si le diagnostic est posé rapidement, la clinique peut être gérée par des antibiotiques. C. perfringens présente une bonne sensibilité à certains antibiotiques tels que les béta-lactamines, les macrolides. Il faut aussi traiter les affections parasitaires avec des anticoccidiens (la coccidiose établissant un terrain favorable au développement de la clostridiose).
Dans les élevages à entérite nécrotique chronique, pour lesquels les traitements ne sont plus efficaces bande après bande, il faut réaliser un audit, en focalisant notamment sur les pratiques d’hygiène (désinfection, sol, qualité de l’eau,…) et la conduite d’élevage.
Prévention
Suivi de la consommation d’eau : Le suivi journalier de la consommation d’eau est un bon outil de prévention, car presque à chaque fois, une augmentation de la consommation d’eau précède l’apparition de la mortalité de 24 heures.
Hygiène et antiparasitaire : La meilleure prévention est l’hygiène en élevage : utilisation de désinfectants homologués aux doses sporicides, décontamination des canalisations d’eau (détergent alcalin puis détartrant acide), chloration voire acidification de l’eau, nettoyage et désinfection des silos, décontamination des sols et abords des bâtiments d’élevage (chaux vive 0.5kg/m3, soude caustique 0.1kg/m3). Un programme anticoccidien efficace (ionophore) et contrôlé peut aussi être utile pendant les périodes critiques de l’animal.
Le cas de Clostridium colinum
Clostridium colinum est l’agent de l’entérite ulcérative, qui concerne avant tout les cailles mais aussi parfois les jeunes poulets, dindes et gibiers à plumes. Elle ne provoque pas de toxi-infections chez l’Homme. Au niveau lésionnel on observe des ulcères de la muqueuse intestinale qui peuvent se perforer et provoquer une péritonite. Le foie peut présenter des lésions jaunâtres à grisâtres entourées d’un halo. La rate est hypertrophiée et hémorragique.