Bactéries
Les colibacilloses ou infections à E. coli sont sans doute les infections bactériennes les plus fréquentes et les plus importantes en pathologie aviaire. Elles peuvent entraîner de la mortalité, des baisses de performances et des saisies à l’abattoir. Contrairement aux infections des mammifères, les colibacilloses aviaires prennent des formes générales, avec une voie d’entrée respiratoire ou génitale. La plupart des colibacilloses sont des surinfections, à la suite d’infections virales ou bactériennes (mycoplasmes respiratoires notamment).

L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène


L’agent étiologique de la colibacillose est la bactérie Escherichia coli (E.coli). Il s’agit d’une bactérie Gram-, non sporulée, de la famille des Enterobacteriaceae. Cette bactérie est le plus souvent mobile. Elle est caractérisée par les antigènes O (somatique), H (flagellaire), F (pilus) et K (capsulaire), qui permettent d’identifier plusieurs sérotypes. Chez les oiseaux, les sérotypes « considérés comme pathogènes » sont O1K1, O2K1 et O78K80. De nouveaux sérotypes pathogènes (non typables) sont en émergence.

La bactérie est sensible aux désinfectants usuels.

Le pouvoir pathogène des E. coli repose sur leur propriété à coloniser l’appareil respiratoire, leur résistance au système immunitaire, leur aptitude à se multiplier dans un contexte de carence en fer, et leur capacité à produire des effets cytotoxiques. Plusieurs facteurs de virulence potentiels sont identifiés chez les E. coli aviaires : adhésines de fimbriae, protéine à activité hémagglutinante, système aérobactine de captation du fer, antigène capsulaire polysaccharidique, résistance au pouvoir bactéricide du sérum, toxines et cytotoxines.

Le sérotypage n’a pas une valeur prédictive absolue : certains E. coli non typables sont aussi pathogènes.

Impact sur la santé publique


Certains pathotypes d’E.coli susceptibles d’infecter l’homme pourraient être véhiculées par les volailles. L’antibiothérapie préventive des volailles favorise –en tout cas sur le principe- la pression de sélection de souches multirésistantes. Les usages d’antibiotiques devront donc toujours être raisonnés pour utiliser des antibiotiques auquel l’isolat bactérien visé est sensible et selon un schéma posologique (voie, dose et durée de traitement) approprié. L’usage de fluoroquinolones devrait être réservé aux traitements en 2ème intention, en situation d’échec thérapeutique.

Les données épidémiologiques


  • Toutes les espèces aviaires sont sensibles à E. coli. C’est une infection extrêmement fréquente et de répartition mondiale. Certains facteurs prédisposent les volailles à la maladie.

  • Le jeune âge, le stress, un taux élevé d’ammoniac, une baisse de la température, des infections concomitantes, favorisent la colibacillose. Le plus souvent, E. coli doit être plutôt considéré comme un agent de surinfection que comme la cause primaire d’une maladie.

  • Il existe plusieurs formes de la maladie : des formes localisées, une forme septicémique aiguë, des formes chroniques.

  • Les jeunes oiseaux sont plus sensibles à la forme septicémique. La cellulite est favorisée par des érosions cutanées et par une litière en mauvais état. L’omphalite est induite par la contamination fécale des œufs, par des œufs infectés brisés, par une salpingite ou une ovarite concomitante chez la mère. Les formes génitales se rencontrent chez les futures reproductrices avant l’entrée en ponte ou sur les adultes avec ou sans signe respiratoire. La forme vénérienne chez la dinde a lieu suite aux premières inséminations artificielles. Les formes respiratoires sont surtout rencontrées sur des jeunes, principalement en surinfection.

  • E. coli est un hôte normal du tractus digestif des volailles. Il est donc disséminé par les fèces des oiseaux malades ou porteurs et les oiseaux sont constamment exposés (par des malades ou porteurs, des rongeurs, des insectes (ténébrions et mouches), des oiseaux sauvages, l’eau, des poussières, l’environnement). Dès que la résistance d’un oiseau est affaiblie, les souches pathogènes ou non peuvent se développer.

  • E. coli, présent dans les intestins, les voies nasales, les sacs aériens ou le tractus génital peut être une source latente d’infection. Certaines souches pathogènes peuvent aussi infecter l’oiseau non affaibli.

  • La contamination est essentiellement par voie aérienne par des aérosols. Les bactéries sont inhalées et contaminent les sacs aériens. Ceux-ci peuvent prolonger l’infection aux organes génitaux par contact. Certains E. coli intestinaux provoquent des infections générales après entérite. La transmission verticale vraie est possible mais rare. Les œufs peuvent se contaminer en surface lors du passage dans le cloaque ou dans la litière souillée.

Les manifestations cliniques de la maladie


Formes localisées
  • Omphalite et infection du sac vitellin : On note une mortalité variable. L’ombilic est oedémateux et enflammé, avec présence de croûtes. Le sac vitellin est mal résorbé, avec une paroi opacifiée et congestionnée, un contenu verdâtre à jaunâtre. Une aérosacculite et une péricardite sont quelquefois associées à ce tableau.
  • Cellulite : On observe un œdème et de l’exsudat caséeux sous-cutané, dans la région abdominale ventrale et notamment sous les cuisses. Elle fait souvent suite à la présence de lésions cutanées.
    L’oiseau n’exprime aucun signe clinique, c’est souvent une découverte d’abattoir conduisant à la saisie de la carcasse. Elle peut donc occasionner des pertes économiques majeures.
    E.coli est le principal agent étiologique isolé lors de lésions de cellulite.
    Il existe une forme de cellulite localisée au niveau de la tête, qui commence en région périorbitaire (entrée des E.coli à la faveur d’une conjonctivite ou autre fragilisation de la muqueuse oculaire)
  • Formes génitales : Salpingite et ovarite : On observe un exsudat caséeux parfois lamellaire dans l’oviducte, souvent associé à une ponte intra-abdominale. On peut avoir une chute de ponte et une mortalité associée.
  • Colibacillose vénérienne de la dinde : Cette forme est souvent mortelle. On observe une vaginite caséo-nécrotique, une péritonite, une ponte abdominale et un prolapsus cloacal et intestinal.
  • Entérite : Les intestins, surtout les caeca, sont pâles et dilatés par un contenu liquide.
Forme respiratoire
  • Les oiseaux sont indolents et anorexiques. Ils présentent des symptômes respiratoires non spécifiques : râles, toux, éternuements, jetage, sinusite.
  • Au niveau lésionnel, on observe des lésions d’inflammation des séreuses viscérales : péricardite, périhépatite, aérosacculite, plus ou moins exsudatives.
Forme systémique aiguë ou colisepticémie
  • On constate une morbidité et une mortalité (subite) variables. Les lésions sont non exsudatives. Le foie est hypertrophié, avec quelques zones de dégénérescence. La rate est hypertrophiée avec des points de nécrose. On observe des lésions inflammatoires multiples : péricardite, périhépatite, aérosacculite, pneumonie, infection du sac vitellin, arthrite, ostéomyélite, ténosynovite, etc…
  • Ces formes peuvent avoir une origine respiratoire, entéritique…
Formes chroniques
  • On peut rencontrer différentes formes de lésions : méningite, endophtalmite, arthrite, ostéomyélite, ténosynovite, abcès du diverticule de Meckel.
  • La maladie de Hjärre (ou coligranulomatose) est une forme particulière, observée notamment chez la poule pondeuse : on observe des masses ou nodules blanchâtres dans plusieurs organes (le long des intestins, dans le mésentère, dans le foie), sauf dans la rate. On observe aussi des cylindres caséeux dans les caeca (ne pas confondre avec l’histomonose ou une coccidiose caecale). La mortalité peut être élevée.

Le diagnostic


Hémorragie grappe ovarienne cane pékin - photo ENVT
Hémorragie grappe ovarienne cane pékin (ENVT)
Diagnostic de laboratoire

La culture bactérienne est facile à mettre en œuvre. Il faut éviter la contamination fécale lors de la réalisation des prélèvements. Le typage de l’isolat est nécessaire, mais ne permet pas toujours de conclure sur la pathogénicité de la souche identifiée.

Aérosacculite fibrineuse caneton mulard -photo ENVT
Aérosacculite fibrineuse caneton mulard (ENVT)
Diagnostic différentiel

Riemerellose, pasteurellose, salmonellose, coryza infectieux, variole aviaire, mycoplasmoses ; tuberculose dans le cas de la maladie de Hjärre.

La prévention et le contrôle de la maladie


Traitement

Le traitement est basé sur une antibiothérapie. L’antibiogramme est nécessaire du fait des nombreuses antibiorésistances observées sur les isolats de terrain.

Si le choix est possible, il est préférable d’utiliser des molécules comme les quinolones par voie orale (acide nalixidique, acide oxolinique, fluméquine), les lincosamides par voie orale, les aminosides par voie parentérale, les bétalactamines par voie orale, les tétracyclines.

Prévention

La prévention sanitaire est fondée sur la maitrise des facteurs de risque : alimentation et conditions environnementales, qualité de l’eau, plus globalement le respect des règles de biosécurité.

On peut aussi administrer aux poussins de 1 jour des flores probiotiques (définies) ou des flores digestives normales (non définies) de sujets adultes, sur le même principe que la prévention des contaminations salmonelliques.

La prévention médicale peut également faire appel à des vaccins inactivés ou atténués, administrés aux reproducteurs, pour protéger les jeunes poussins avec les anticorps d’origine maternelle.ou aux futures pondeuses pour les protéger pendant la ponte. Des autovaccins sont également indiqués dans des cas spécifiques.

En résumé


  • E.coli est l’agent de surinfection par excellence : l’isolement d’E.coli doit donc toujours donner lieu à l’évaluation de son implication dans un processus pathologique observé sur les oiseaux. La recherche d’éventuelles causes primaires (environnement, virus, mycoplasmes) de l’infection devra donc être systématiquement recherchée
  • L’approche thérapeutique devra prendre en compte la sensibilité de la souche bactérienne, mais aussi la localisation des sites d’infection, pour choisir un antibiotique dont la biodisponibilité est appropriée.
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