Parasites
Les coccidioses sont parmi les maladies parasitaires les plus fréquentes chez les volailles. Elles peuvent prendre de nombreuses formes et se rencontrent dans le monde entier et dans tout type d’élevage avicole.

L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène


L’agent étiologique est un parasite obligatoire protozoaire intracellulaire, appartenant le plus souvent au genre Eimeria. Il existe plusieurs espèces de coccidies pour chaque espèce aviaire. Les principales espèces de coccidies d’intérêt sont les suivantes :

  • Coccidies du poulet :
    A.acervulina, E. necatrix, E. maxima, E. brunetti, E. tenella, E. mitis, E. praecox
  • Coccidies de la dinde :
    E. meleagrimitis, E. adenoeides, E. dispersa, E. gallopavonis
  • Coccidies de l’oie :
    E. truncata (pouvant aussi toucher le canard de Barbarie et le cygne), E. anseris
  • Coccidies du canard :
    Tyzzeria perniciosa, E. mulardi (concernant principalement le canard mulard)
  • Coccidies de la pintade :
    E. numidia, E. grenieri (plus fréquente mais au pouvoir pathogène inférieur)
  • Coccidies du pigeon :
    E. labbeana

Le cycle des coccidies est le même, quelque soit l’espèce de coccidie.

image006

On distingue 2 phases du cycle biologique : sexuée et asexuée. La multiplication asexuée ou schizogonie a lieu dans les cellules épithéliales intestinales. La multiplication sexuée ou gamogonie aboutit aux œufs fécondés ou ookystes, rejetés dans l’intestin puis dans le milieu extérieur. Il s’agit d’un cycle diphasique monoxène direct. La période prépatente (délai entre ingestion du parasite et excrétion des ookystes dans les fientes) est de 4 à 7 jours.

Les ookystes sont très résistants à la plupart des désinfectants ainsi qu’aux conditions environnementales. Ils constituent la forme de résistance des coccidies dans le milieu extérieur.

Au cours de l’infestation d’un lot de volailles, les oiseaux s’immunisent progressivement contre les coccidies, mais il n’existe pas de protection croisée contre les différentes espèces des coccidies. Les anticoccidiens n’empêchent pas l’établissement de l’immunité car ils ne détruisent pas toutes les coccidies mais en limitent la charge dans le tractus digestif. L’acquisition d’une solide immunité n’est pas un objectif dans l’élevage de poulet de chair, du fait de leur durée de vie trop courte.

Souvent, l’hôte tolère bien le parasite en charge modérée, mais tous les facteurs d’immunosuppression sont favorables à l’expression de la maladie. Les dommages causés sont mécaniques et se localisent surtout à l’intestin.

Les données épidémiologiques


Il existe une spécificité d’hôte pour chaque espèce de coccidies.

Les jeunes oiseaux sont plus sensibles, surtout les poulets de chair de 3 à 6 semaines et les poulettes. La maladie est rare chez les pondeuses et les reproductrices. Chez les dindes, on ne rencontre que peu de signes au-delà de 8 semaines. Cependant, la maladie peut apparaître à n’importe quel âge en complication d’une autre maladie.

La coccidiose se transmet horizontalement, directement d’un oiseau à un autre de la même espèce par les fèces. Elle peut aussi être transmise indirectement par des vecteurs mécaniques (matériel d’élevage) ou des insectes (ténébrions).

Les coccidies sont ubiquitaires dans l’environnement.

Les manifestations cliniques de la maladie


Les signes cliniques varient selon l’espèce, la dose infestante et le degré d’immunité de l’oiseau: ils peuvent aller d’une forme inapparente à une perte de coloration de la peau, à un retard de croissance ou une baisse des performances, à de la prostration, puis à de la diarrhée avec déshydratation et mortalité. 

  • Les coccidioses du poulet
    • E. acervulina : modérément pathogène. Les lésions se localisent dans l’intestin grêle surtout au duodénum, avec des tâches puis des stries blanchâtres dans la muqueuse = lésions « en échelle ». Les lésions sont causées par les oocystes.
    • E. necatrix : rare mais très pathogène. Les lésions se localisent en fin de duodénum jusqu’au milieu de l’iléon. On a des pétéchies sur la séreuse (aspect poivre et sel) et des plaques blanchâtres, du mucus teinté de sang, une distension de l’intestin. Les lésions sont causées par les schizontes de 2ème génération. On a souvent une recrudescence entre 9 et 14 semaines, car elle est défavorisée par la compétition avec les autres coccidies auparavant. On l’appelle aussi la « coccidiose chronique ».
    • E. maxima : modérément pathogène. Les lésions se localisent de la fin du duodénum au milieu de l’iléon. On trouve du mucus orangé et une distension des anses, un épaississement de la paroi, des pétéchies, parfois du sang.
    • E. brunetti : modérément à fortement pathogène. Les lésions se localisent à la fin de l’intestin grêle et au rectum. Dans les cas sévères, on peut observer des lésions dans tout l’intestin, des pétéchies et de la nécrose de la muqueuse, avec parfois du sang et des cylindres nécrotiques. Les lésions sont causées par les schizontes.
    • E. tenella (cf. photographies 2 et 3) : la plus pathogène. Les lésions sont causées par les schizontes et sont localisées dans les caeca, remplis de sang, pouvant se rompre ou être gangréneux. La carcasse peut être anémiée. La mortalité est souvent élevée.
    • E. mitis : peu pathogène. Les lésions sont dans la 2ème moitié de l’intestin grêle. Il n’y a pas de lésions macroscopiques, mais on observe la présence de mucus.
    • E. praecox : peu pathogène. On note des cylindres de mucus dans le duodénum. La période prépatente est courte (83h).
OLYMPUS DIGITAL CAMERA
Eimeria tenella - oocystes (ENVT)
image008
Coccidiose caecale (ENVT)
image015
Paroi caecale lors de coccidiose caecale (ENVT)
image017
Diarrhée hémorragique lors de coccidiose chez des canards mulards (ENVT)
image018
Lésions de coccidiose chez un canard mulard : pétéchies sur la muqueuse jéjunale (ENVT)
  • Les coccidioses de la dinde :

Les coccidioses sont fréquentes chez la dinde mais elles sont peu diagnostiquées : les lésions sont en effet moins spectaculaires que chez le poulet, et les dindes guérissent souvent rapidement.

    • E. meleagrimitis : la plus pathogène. Les lésions sont localisées dans la 1ère moitié de l’intestin grêle. Il s’agit de mucus et de liquide dans le duodénum avec parfois du sang dans les fèces.
    • E. adenoeides : une des plus pathogènes. Les lésions se retrouvent surtout dans les caeca. Les fèces sont liquides, teintés de sang, avec parfois des cylindres de mucus.
    • E. dispersa : faiblement pathogène. On la trouve dans l’intestin grêle. Elle est également isolée chez la caille, la perdrix et le faisan.
    • E. gallopavonis : on trouve des cylindres nécrotiques dans l’iléon et le rectum.

 

  • Les coccidioses de l’oie :
    • E. truncata : présente dans le rein des oisons principalement, elle peut causer une forte mortalité sur des oies de 3 à 12 semaines. Les reins sont hypertrophiés, de couleur grise, et présentent des petits foyers blancs et des pétéchies.
    • E. anseris : présente dans l’intestin grêle : on observe du mucus teinté de sang. Elle peut provoquer une mort subite, avec des hémorragies massives dans l’intestin grêle supérieur.

 

  • Les coccidioses du canard

Elles entraînent souvent des lésions hémorragiques : elles peuvent ainsi provoquer une mort subite, associées à des hémorragies massives dans l’intestin grêle.

    • T. perniciosa : localisée surtout au niveau duodénale, elle peut être à l’origine d’une forte mortalité chez les jeunes ; les lésions duodénales sont de type hémorragique avec des tâches blanchâtres visibles côté séreuse.
    • E. mulardi : localisée dans le jéjuno-iléon et les caeca, elle peut provoquer une mortalité importante avec atteinte congestivo-hémorragique, surtout dans le jéjuno-iléon, mais pouvant concerner tout l’intestin (hormis le duodénum).
  • Les coccidioses de la pintade :

La coccidiose primaire est rarement observée chez la pintade, qui supporte assez bien l’infestation. De plus, les symptômes ne sont pas caractéristiques. Ainsi, la plupart du temps, il est préférable de parler de présence d’ookystes plutôt que de coccidiose. Des inoculations expérimentales ont permis de reproduire chez la pintade des signes similaires à la coccidiose chez le poulet, c’est-à-dire : mortalité, baisses de performances. De plus, des formes graves avec diarrhée sanglante ont quelquefois été rencontrées.

    • E. numidia : se localise dans l’intestin grêle et le rectum. Les infestations à E. numidia peuvent entraîner de la mortalité, avec une diarrhée hémorragique. Elles peuvent se traduire par une entérite plus ou moins importante (intestin légèrement inflammé, mais sans lésion spécifique).
    • E. grenieri : se localise dans l’intestin (schyzogonie) et les caeca et rectum (gamétogonie). La maladie affecte surtout les pintadeaux de 3 à 6 semaines, surtout en hiver ; les animaux ont de la diarrhée et les lésions sont discrètes. L’infestation peut provoquer une entérite au niveau du duodénum et du jéjunum (correspond à la schizogonie), ou une liquéfaction légère du contenu caecal (déroulement de la gamétogonie).

Le diagnostic


Diagnostic clinique

Il est difficile, du fait des symptômes peu spécifiques et de co-infections fréquentes. Les lésions, si elles sont bien marquées, peuvent être caractéristiques. Classiquement les lésions de coccidioses sont gradées à l’autopsie de +1 (léger) à +4 (sévère).
Le diagnostic se fait par grattages de la muqueuse intestinale en divers endroits et observation des coccidies au microscope entre lame et lamelle. Les œufs de E. brunetti, praecox, tenella et necatrix ne peuvent être identifiés sur la base de la seule mesure de la taille de l’oocyste. Le comptage des ookystes dans les fèces permet de suivre l’évolution de la contamination d’un élevage, mais ne permet pas de gérer seul le risque coccidien. Il faut toujours faire la part entre un portage de coccidies et l’expression clinique de la coccidiose.

Diagnostic différentiel

Entérite nécrotique, Entérites non spécifiques, Histomonose.

La prévention et le contrôle de la maladie


Prévention médicale

La prévention fait appel à l’utilisation d’anticoccidiens en additifs ou à la vaccination.

Plusieurs programmes existent et doivent être définis en prenant garde à l’apparition de résistances :

  • Chez le poulet de chair : utilisation de la même molécule tout le long du lot (continu), ou 2 molécules utilisées en suivant dans une même bande (programme navette ou « dual » ou « shuttle »), ou changement d’anticoccidien au bout d’un certain nombre de bandes (programme rotation).
  • Chez les pondeuses et les reproductrices : on favorise l’établissement de l’immunité en utilisant des vaccins vivants commerciaux, ou on utilise des anticoccidiens dont on réduit progressivement la dose avant l’entrée en ponte.
  • Chez la dinde : la toxicité des anticoccidiens est plus forte que chez le poulet, il faut donc les utiliser avec précaution.

La prévention passe aussi par l’utilisation de la vaccination : des vaccins vivants sont enregistrés en France et sont basés sur des souches précoces des espèces majeures de coccidies (5 ou 8 souches, selon la spécialité Paracox 5® ou Paracox 8®). La vaccination donne de bons résultats et l’utilisation de ces vaccins est maintenant répandue sur des productions à haute valeur économique (poulets labels, futures reproductrices, etc…) qui justifient ce coût de prophylaxie.

NB : les souches dites « précoces » ont la particularité de se différencier rapidement en gamontes mâles ou femelles, après un faible nombre de cycles de division asexuée (schizogonie) : les cycles parasitaires peuvent donc s’opérer et générer une réponse immunitaire locale, sans occasionner de lésions significatives de la muqueuse digestive.

Prévention sanitaire

La biosécurité en élevage est le seul moyen de limiter le risque d’infestation ou du moins, de le maintenir sous un seuil d’équilibre :

  • Le contrôle des entrées d’oocystes depuis l’extérieur du bâtiment permet de limiter la contamination de l’environnement des oiseaux : bottes ou surbottes, tenue spécifique au bâtiment, pédiluve, accès propre et bétonné, contrôle des animaux sauvages, limitation des visites.
  • Un bon protocole de nettoyage et désinfection en fin de lot permet d’éliminer les coccidies en fin d’élevage et de démarrer un nouveau lot avec une faible pression parasitaire. La désinfection seule n’a pas d’effet sur les ookystes.
  • La limitation du contact entre les oiseaux et les oocystes présents dans les matières fécales permet de rompre le cycle parasitaire : utilisation de cages, caillebotis, litière épaisse
  • Le suivi sanitaire des oiseaux est important : les coccidies sont des parasites opportunistes qui profitent de l’affaiblissement des oiseaux pour infester l’hôte.
Traitement

Les mesures de prévention n’empêchent pas toujours l’apparition de la maladie. Il faut alors envisager le traitement. Les spécialités utilisées répondent alors à la législation sur les médicaments vétérinaires.

Le traitement fait appel à des anticoccidiens, des produits de synthèse ou des ionophores : toltrazuril (BaycoxÒ), sulphonamides, amprolium (NémaprolÒ) dans l’eau ou l’alimentation.

Chez les palmipèdes, la médication anticoccidienne fait appel classiquement (hors AMM) aux sulfamides, à l’amprolium (NémaprolÒ), et surtout, au toltrazuril (BaycoxÒ). Cette prescription se faisant sous la responsabilité du vétérinaire…

En résumé

Les coccidioses aviaires sont des maladies parasitaires très fréquentes et à distribution mondiale.

  • L’expression clinique des coccidioses est très variable selon l’hôte infesté, l’espèce et la dose de coccidies infestantes, ainsi que les éventuelles complications (surinfections et surinfestations).
  • Le diagnostic de coccidioses fait appel le plus souvent à l’autopsie et à l’examen microscopique de contenu digestif.
  • Le contrôle sanitaire des coccidies est très difficile, et une prévention médicale ou vaccinale est envisageable.
Pour en savoir plus
Related Projects

Start typing and press Enter to search

 Poulet en détresse respiratoire lors d’un épisode de coryza infectieux (Photo: ENVT)