Le botulisme aviaire est une toxi-infection considérée comme rare en élevage avicole mais qui n’a pas disparue. En 2007, pour une raison inexpliquée la prévalence de la maladie a augmenté et celle-ci reste stable depuis lors. Au-delà de la détection et de la gestion des foyers observés sur le terrain, se pose la question de l’évaluation du risque pour la santé humaine. Ce dossier est construit autour des questions que pose le botulisme aviaire.
Le botulisme est une maladie animale et humaine caractérisée par une atteinte nerveuse, causée par l’action d’une toxine produite par une bactérie, Clostridium botulinum. Cette atteinte nerveuse se traduit par une variété de signes cliniques, tous associés à la paralysie de muscles locomoteurs, respiratoires ou viscéraux. Chez l’homme, le botulisme est essentiellement lié à la consommation de conserves mal préparées ou altérées. Chez l’animal, la consommation de cadavres décomposés est la source majeure de contamination.
L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène
Le botulisme résulte de l’action d’une neurotoxine produite par la bactérie Clostridium botulinum. Les clostridies sont des bactéries, bacilles Gram positif, anaérobies stricts et sporulés, présentes dans l’environnement où elles peuvent survivre très longtemps. Ce sont des bactéries ubiquistes, largement distribuées dans le sol et l’eau.
On distingue plusieurs types de neurotoxines, désignées par les lettres A, B, C, D, E, F et G. Elles sont synthétisées au cours de la phase exponentielle de croissance de la bactérie, sous forme d’une chaîne protéique, puis activées. Les neurotoxines ingérées ou produites dans le tube digestif traversent la barrière intestinale, passent dans le sang et atteignent les neurones. Contrairement aux spores d’autres clostridies, les toxines sont thermosensibles et sont également sensibles aux agents chimiques.
Les oiseaux sont sensibles aux toxines de type A, B, C, E (chez les oiseaux piscivores) et d’un type chimère C/D, avec une prédominance du type C et C/D. Le botulisme humain est dû aux toxines A, B (très majoritaire), E et F.
Impacts sur la santé publique
La plupart des cas de botulisme aviaire signalés sont provoqués par des toxines de type C ou C/D, sans risque pour l’homme.
Malheureusement, ces dernières années, on observe une émergence de botulisme aviaire de type E, rencontré uniquement chez Gallus pour l’instant et qui pourrait contaminer l’homme.
Les foyers de botulisme humain documentés ces dernières années sont très peu nombreux (15 à 20 par an) et sont associés à la consommation de conserves domestiques (charcuterie, légumes), de poisson fermenté, de miel contaminé par des spores (risque pris en compte pour les nourrissons), voire de…cocaïne contaminée par des spores ! Aucun cas de botulisme humain n’a été associé à la consommation de produits des filières avicoles. A ce jour, si le risque de transmission du botulisme des volailles à l’homme doit être pris en compte sur le plan du principe, à la lueur des données épidémiologiques actuelles, il se révèle extrêmement faible, voire nul.
Les données épidémiologiques
Toutes les espèces aviaires, quelles que soient leurs conditions d’élevage, leur état sanitaire et leur niveau de performance, peuvent être touchées par le botulisme. Les espèces d’élevages les plus affectées sont le canard, le poulet de chair, la dinde, le faisan et l’autruche. La plupart des cas sont décrits au printemps et en été.
Le botulisme aviaire relève essentiellement de toxi-infections par ingestion de spores de C. botulinum, plus que d’intoxinations. Lors de toxi-infections, les volailles se contaminent par ingestion de spores bactériennes présentes dans l’environnement et dans les déjections. Dans les conditions normales, les spores ingérées ne se développent pas ou peu dans le tube digestif. Leur développement massif et la sécrétion de toxines botuliniques ne surviennent qu’en cas de perturbation de la flore digestive. Lors de contamination persistante une grande quantité de toxine peut être produite et les animaux sains peuvent être atteints.
Les spores et les neurotoxines contaminant les volailles viennent de différentes sources. La source la plus fréquente serait la nourriture contaminée. Les cadavres de volailles contaminées sont un bon milieu de développement pour C. botulinum (ingestion d’insectes se développant sur ces cadavres, cannibalisme…). Les mammifères s’introduisant dans les élevages sont souvent porteurs et leurs cadavres sont contaminants. Les oiseaux sauvages porteurs peuvent être à l’origine de la contamination des volailles de plein air. L’environnement est une source de contamination car C. botulinum est très répandu dans le sol et l’eau (germe hydrotellurique).
Le période d’incubation est variable et dépend de la quantité de spores ingérées et de la quantité de toxines produite. Elle peut varier de quelques heures jusqu’à une dizaine de jours.
Les manifestations cliniques de la maladie
La mortalité et la morbidité varient selon la quantité de toxine ingérée ; la mortalité dans un lot atteint peut aller jusqu’à 40% voir 100% chez la dinde, de rares cas de guérison existent.
Pour toutes les espèces, les symptômes correspondent à une paralysie flasque ascendante, commençant par les pattes et qui progresse vers les ailes, le cou et les paupières. Le cou devient mou, la tête et le bec reposant sur la litière, les paupières sont tombantes. Les oiseaux présentent en général un comportement comateux. La paralysie bilatérale des pattes entraîne de l’incoordination, de l’ataxie ou des boiteries. Les animaux atteints se posent en décubitus sternal et refusent de bouger. Ils peuvent présenter des signes de frilosité, un plumage ébouriffé, des difficultés respiratoires, et souvent de la diarrhée avec un excès d’urates dans les fientes. On peut également observer un aspect sale du bec, lié à une régurgitation de salive, de mucus ou d’aliment, sans doute en raison d’une altération des réflexes de déglutition et du péristaltisme digestif.
La mort survient par asphyxie, due à la paralysie des muscles abdominaux et cardiaques, au bout de 1 à 8 jours. Le plus souvent, aucune lésion n’est visible à l’autopsie, ni à l’histologie.
Le diagnostic
Diagnostic épidémio-clinique
La suspicion est fondée sur l’observation des signes cliniques (paralysie flasque, mortalité) sans lésion particulière. Un épisode antérieur de botulisme dans l’élevage, une conduite hygiénique médiocre, une mauvaise gestion des cadavres, la proximité d’un plan d’eau fréquenté par l’avifaune peuvent appuyer la suspicion.
Diagnostic de laboratoire
La confirmation repose sur la mise en évidence de la neurotoxine dans le sérum des oiseaux malades par un test de létalité sur souris. La détection de C. botulinum ne doit pas être fait sur des animaux morts car cette bactérie se développe très vite sur des cadavres. Le typage est réalisé également in vivo, par séro-protection à l’aide de sérums neutralisants spécifiques de chaque type de toxine botulique (épreuve de la souris protégée). La détection de la toxine par spectrométrie de masse endopeptidique constitue une autre méthode alternative au test de létalité sur souris.
Diagnostic différentiel
Saturnisme, intoxication aux ionophores, intoxication à l’alpha-chloralose, carence en vitamine E (encéphalomalacie), maladie de Newcastle, Influenza Aviaire, maladie de Marek (paralysie), encéphalomyélite aviaire (signes nerveux mais souvent en hyperactivité), clostridiose à C. perfringens, le rouget, la pasteurellose aiguë (mais lésions hémorragiques souvent nettes), ou les problèmes du squelette appendiculaire.
On peut également rechercher la bactérie dans le contenu intestinal des oiseaux malades soit par mise en culture, soit en utilisant des méthodes d’amplification génique (PCR)
La prévention et le contrôle de la maladie
Conduite à tenir lors d’une suspicion en élevage avicole
ll faut mettre en œuvre des mesures pour limiter la propagation de la maladie :
- Isolement des lots atteints et élimination des animaux présentant des paralysies
- Traitement antibiotique : les β-lactamines sont les molécules de choix
- Élimination rigoureuse des cadavres (attention aux asticots qui renferment de grandes quantités de toxine)
- Traitement ou changement de la litière, pour limiter le risque de recontamination : le fumier doit être de préférence incinéré, lorsque c’est possible ou traiter avec de l’hypochlorite de calcium ou de la formaline.
En cas de confirmation du diagnostic, la stratégie de lutte sera adaptée au contexte : abattage total ou tri et traitement des animaux en association avec des mesures sanitaires, changement de la litière, désinfection du sol à proximité du bâtiment d’élevage, etc…
Prévention
La prophylaxie médicale repose sur la vaccination, à base d’anatoxines spécifiques de C. botulinum de type C et D. Ces vaccins n’ont pas d’AMM en aviculture dans l’Union Européenne.
Les mesures de prophylaxie hygiénique concernent surtout la gestion des cadavres dans les élevages, avec un ramassage plus fréquent. Des mesures d’hygiène générale (lutte contre les rongeurs, nettoyage et désinfection,…) contribuent à la prévention.
Il faut aussi veiller à ne pas propager le botulisme dans des élevages voisins : la gestion des fumiers est essentielle.
Cadre réglementaire en France
Depuis le décret du 17 février 2006, le botulisme aviaire est une maladie animale réputée contagieuse (MARC), donnant lieu à des mesures de police sanitaire (chez les bovins et les oiseaux sauvages, c’est une maladie à déclaration obligatoire ou MADO).
La conséquence majeure de la déclaration d’un foyer de botulisme aviaire est l’obligation de respecter un délai de 15 jours entre la fin des symptômes et l’abattage des volailles : cela vise à éviter de faire rentrer dans la chaîne alimentaire des animaux éventuellement contaminés par la toxine botulique. Ce délai repose plus sur l’application du principe de précaution que sur des fondements scientifiques.
L’application de strictes mesures de biosécurité, visant à décontaminer le site, est également prescrite.